Alors que l’enquête est toujours en cours, une table-ronde a réuni ce mercredi 3 juillet au Sénat FranceAgriMer, la Direction générale de la concurrence et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS) et les associations caritatives (Banque alimentaire, La Croix-Rouge, Secours Populaire, Les Restos du Cœur) impliquées dans l’affaire des steaks hachés frauduleux, qui ont été distribués à l’aide alimentaire. Révélée en juin dernier, cette suspicion de tromperie en bande organisée fait suite à la mise en évidence d’une non-conformité sur la composition de steaks hachés. Tout est parti de l’observation en février dernier de « tâches brunâtres » par les associations d’aide alimentaire. « Des abats, des protéines végétales, des amidons et la réutilisation de viandes transformées » ont été décelés lors des analyses réalisés par la DGCCRF courant avril. Les résultats des analyses menées par Mérieux Nutrisciences suite aux prélèvements effectués par FranceAgriMer en mars et avril dernier sont arrivés aux mêmes conclusions que celles de la DGCCRF.
L’enquête a rapidement ciblé trois entreprises : le courtier Voldis, son sous-traitant polonais (Biernacki) et une entreprise française intermédiaire (SMP). « Sous réserve de l’appréciation du juge pénal, ces éléments semblent caractériser une tromperie en bande organisée. Ce délit se traduirait alors par une peine de 7 ans de prison et 750 000€ d’amende », déclare Virginie Beaumeunier, directrice générale de la DGCCRF. Le procès verbal sera transmis dans les prochaines semaines à la justice.
« Aucune procédure d’appel d’offres aurait pu nous prémunir de cette fraude. L’offre transmise par Voldis était conforme au cahier des charges et le fournisseur polonais présentait bien les garanties nécessaires (agrément sanitaire, certifications IFS et BRC). Les autocontrôles sanitaires qui ont été transmis par Voldis ne présentaient aucune anomalie », affirme Christine Avelin, directrice générale de FranceAgriMer.
Accusé à plusieurs reprises dans la presse d’avoir sélectionné le fournisseur sur l’unique base du critère de prix, l’organisme a tenu à rappeler que le cahier des charges avait un « niveau d’exigences assez élevé ». « Les prescriptions techniques du cahier des charges restent le principal critère. Une fois que nous avons vérifié que les candidats respectent bien toutes ces dispositions, le prix devient déterminant. Celui-ci était dans le même ordre de grandeur que les années précédentes », souligne la directrice générale.
Le timing des contrôles de conformité, réalisés dans les entrepôts des fournisseurs plusieurs mois après que la distribution des steaks hachés ait commencé, est aussi revenu dans les discussions. « Le marché actuel n’exige pas que les résultats des contrôles de composition soient donnés en amont. La livraison des produits est très disséminée sur le territoire, ce qui ne permet pas d’effectuer tout de suite ces analyses sans retarder la livraison. Les contrôles visuels sont délégués aux associations de manière contractuelle », précise Christine Avelin de FranceAgriMer.
D’après la DGCCRF, si Voldis était tenu de transmettre les résultats des autocontrôles sanitaires, aucune analyse chimique de conformité des produits n’a été réalisée. « L’enquête montre qu’un transporteur était chargé de convoyer la marchandise directement du fournisseur polonais aux associations », observe Virginie Beaumeunier, directrice générale de la DGCCRF. Enfin, Jean-Philippe Vinquant de la Direction générale de la cohésion sociale indique que des tests gustatifs sont réalisés avec FranceAgriMer sur les produits avant l’attribution du marché. Lors de leur audition, les associations ont de leur côté assuré que les premiers lots reçus étaient de qualité et tout à fait conformes. « Ce n’est qu’après que la qualité s’est dégradée», attestent-t-elles.
Et pourquoi l’entreprise Biernacki n’a pas été contrôlée en amont ? « Le plan de contrôle est établi selon une analyse de risques. Et l’entreprise y a échappé. 60 % des volumes totaux sont contrôlés », indique FranceAgriMer.
Si tous s’accordent sur le fait que l’alerte a rapidement été gérée, l’objectif des parlementaires est à présent d’identifier ce qui est perfectible dans ce système. « Une piste d’amélioration est d’exiger que les autocontrôles de conformité soient transmis avant livraison. Il n’y a pour l’instant pas d’encadrement sur ce type de contrôles. C’est sur ce point qu’il faut travailler pour que les exigences soient aussi élevées que sur le plan de la qualité sanitaire », souligne la directrice générale de FranceAgriMer. Les associations caritatives demandent de leur côté la possibilité de passer des marchés pluri-annuels pour réagir plus facilement en cas de problème.
La DGCCRF informe également que l’enquête a été élargie aux autres entreprises françaises qui se fournissent auprès de la société polonaise « Une dizaine de distributeurs ont été auditionnés entre le 24 mai et le 25 juin. L’enquête doit permettre de voir si les non-conformités retrouvées dans les produits livrés aux associations se retrouvent dans les autres produits », détaille Virginie Beaumeunier.