COMMENT LA FORMULATION ASSURE-T-ELLE LA SÉCURITÉ ET LA QUALITÉ MICROBIOLOGIQUE DES ALIMENTS ?

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Formulation d'un produit alimentaire

Comment la formulation assure-t-elle la sécurité et la qualité microbiologique des aliments?

Moins salé, moins sucré, sans conservateurs ... Voici les nouvelles préoccupations des consommateurs en matière de produits alimentaires. Sous l’impulsion des pouvoirs publics, les professionnels de l’alimentation sont amenés à concevoir des produits plus naturels tout en garantissant la qualité sanitaire durant la durée de vie microbiologique.

C’est tout l’enjeu de la formulation qui doit assurer la balance entre les risques liés à la sécurité sanitaire et les bénéfices liés à la valeur nutritionnelle.

LA FORMULATION: UNE MÉTHODE EMPIRIQUE POUR LA CONSERVATION DES ALIMENTS

La conservation des aliments est depuis toujours une problématique pour l’homme, qu’il s’agisse d’assurer sa survie ou de répondre à des normes et des règlementations strictes. Lors de la conception et de la formulation d’un produit alimentaire, le fabricant est dans l’obligation d’évaluer la sensibilité de son produit au développement microbien. Plusieurs paramètres peuvent permettre d’impacter le développement microbien, en agissant sur ces derniers, de manière individuelle ou combinée, il est alors possible d’optimiser la sécurité d’un produit. 

Diminuer la teneur en eau des aliments 

La teneur en eau, bien qu’étant indispensable pour obtenir une complète caractérisation du produit est un levier souvent peu utilisé et à tort. En effet, l’eau est un élément indispensable pour tous les organismes vivants et diminuer l’activité en eau (AW) d’un aliment permet de freiner voire de bloquer le développement des microorganismes.

Différents procédés peuvent permettre de diminuer l’activité en eau d’un aliment, comme l’étuvage, le séchage, le fumage ou encore l’atomisation dans certains cas. Plus traditionnellement, l’ajout de sel est utilisé depuis des siècles pour conserver notamment la charcuterie et le poisson. Enfin certaines molécules comme le sucre, le glycérol ou les agents texturants permettent également de diminuer l’activité de l’eau.

Les acides organiques comme conservateurs

Issus d’un procédé de fermentation microbienne, les acides organiques comme l’acide lactique ou l’acide acétique peuvent être utilisés comme acidifiants ou comme conservateurs.

Ce procédé ancestral aujourd’hui largement utilisé pour divers aliments comme les yaourts, le saucisson, la choucroute ou encore la sauce de poisson fermentée permet un abaissement du pH et limite le développement de micro-organismes indésirables.

Il a notamment conduit au développement de levains spécifiques et à des fermentations dirigées afin de mieux maîtriser les qualités microbiologiques et sensorielles des aliments. Le choix de l’acide dépend quant à lui de l’espace microbien à traiter et de sa tolérance à l’acidité.

Les conservateurs inorganiques

Suspectés d’effets indésirables sur la santé, les conservateurs inorganiques comme les nitrites et les sulfites sont source de débats, bien que leur utilisation soit soumise à règlementation.

Principalement utilisé pour ses propriétés bactériostatiques voire bactéricides, pour son effet stabilisateur de couleur et son pouvoir antioxydant, le nitrite est aujourd’hui en passe d’être réduit voir supprimé des charcuteries pour des raisons de santé publique (relation entre nitrite et cancer colorectal). Toutefois, une telle réduction ou suppression n’est pas simple à mettre en place, c’est pourquoi elle doit se faire sous justification afin de prouver que le produit ne présente plus de risque.

LES NOUVELLES APPROCHES EN MATIÈRE DE FORMULATION

Sous l’impulsion des consommateurs et des autorités de santé publique, de nombreux conservateurs ont été remis en cause en raison de leurs effets indésirables sur la santé, laissant ainsi place à de nouvelles solutions alternatives.

L’utilisation des agents antimicrobiens naturels 

Principalement d’origine végétale (extraits de végétaux, huiles essentielles), animale (chitosan) ou microbienne (fermentats), les agents antimicrobiens naturels visent à ralentir ou stopper la croissance microbienne

Selon le « clean label», les composés pouvant être considérés comme naturels, c’est-à-dire qui ne relèvent pas de la synthèse chimique (ISO / TS 19657 : 2017) présentent un grand intérêt, puisque certains d’entre eux possèdent des effets bénéfiques sur la santé comme les antioxydants ou les composés phénoliques.

Toutefois, si l’efficacité des agents antimicrobiens est souvent démontrée en laboratoire, elle doit aussi l’être dans l’aliment. En effet cette dernière dépend de la matrice alimentaire et des différentes concentrations bactériostatiques ou bactéricides, qui ne sont pas toujours compatibles avec la composante organoleptique du produit. Quoi qu’il en soit, le choix de l’agent antimicrobien doit donc se faire en fonction de sa fonctionnalité et de sa sensibilité vis-à-vis du process.

La biopréservation

La biopréservation est une approche qui consiste à utiliser des micro-organismes en guise d’agents de conservation afin de modifier l’écosystème d’un aliment aux dépens des espaces indésirables que sont les flores pathogènes et les flores d’altération.

Cette technologie est actuellement en plein essor avec de nouvelles perspectives d’applications sur des produit fermentés et non fermentés et ce en vue de limiter le recours aux conservateurs de synthèse. L’utilisation de ferments de biopréservation est d’ailleurs déjà autorisée sur divers aliments comme les crevettes ou la charcuterie et de nouvelles explorations sont en cours malgré un certain flou règlementaire.

LA TECHNOLOGIE DES BARRIÈRES: DES APPLICATIONS AUSSI EN FORMULATION

De plus en plus envisagée en formulation, la technologie des barrières est une approche qui permet de concilier qualité sensorielle et nutritionnelle des aliments tout en évitant le développement de bactéries pathogènes et en limitant l’apport de molécules chimiques controversées.

En formulation, il s’agit d’associer plusieurs agents antimicrobiens ou de combiner un procédé assainissant à l’utilisation de molécules antimicrobiennes pour créer des synergies et prolonger la durée de vie des aliments

Combiner abaissement et acidification de l’activité de l’eau 

Les concentrations en acides organiques nécessaires pour freiner de manière significative la croissance microbienne, de même que l’abaissement importante de l’activité de l’eau ont souvent tendance à modifier le goût de l’aliment. Toutefois en combinant l’abaissement de ces deux paramètres il est possible d’assurer les qualités sensorielles de l’aliment tout en garantissant la sécurité du consommateur.

En France, l’outil d’aide à l’expertise Sym’Previus est conçu à destination des professionnels de l’alimentation pour mieux comprendre et quantifier le développement microbien, déterminer les durées de vies microbiologiques et produire des aliments plus sûrs. 

Il propose également un module permettant de mesurer l’impact du pH, de l’activité de l’eau, de la température, et de la nature de l’acide organique sur différents micro-organismes pathogènes et d’altération.

Limiter la concentration en conservateurs par l’utilisation d’extraits naturels végétaux 

On voit aujourd’hui de plus en plus dans les grandes surfaces des packagings de jambon blanc avec la mention « sans nitrites ». Ces derniers sont le fruit du projet de recherche « NITRITED » initié par FranceAgrimer, qui vise à réduire la teneur en nitrites de sodium dans le jambon cuit via l’utilisation de composés antimicrobiens à base d’extraits végétaux.  

C’est dans un premier temps l’impact sur la couleur qui a été étudié, puis dans un second temps des essais industriels ont permis de valider l’efficacité des extraits de végétaux pour pallier la réduction des doses en nitrites.

Des travaux sont en cours dans le domaine de la charcuterie sèche pour valider l’efficacité des extraits végétaux dans différentes conditions technologiques (ex : température de fermentation).

Combiner les effets barrières de procédés et de la formulation

Des applications intéressantes sont menées combinant des effets barrières comme l’acidification et la diminution des traitements thermiques. Acidification de la tapenade couplée à de la pasteurisation (vs stérilisation), acidification de ratatouille, de fruit ou de boissons ... les exemples sont nombreux.

Combiner la biopréservation et les hautes pressions 

La biopréservation, combinée à un traitement de conservation par hautes pressions a été étudiée dans un projet de recherche en vue de freiner la croissance de bactéries sporulées dans le jambon cuit. Pour cela, il a été nécessaire de sélectionner des souches de bactéries lactiques antagonistes des bactéries ciblées.

Ce dernier projet a permis de démontrer que la combinaison d’un traitement HP avec l’ajout d’une souche protectrice lors du procédé peut stabiliser des dés de jambon durablement à basse température.

  LA FORMULATION PAR L'APPROCHE BENEFICES – RISQUES: LES OUTILS

Les attentes croissantes des consommateurs pour une alimentation plus naturelle conduisent à réduire le recours aux composés chimiques. Cette notion de « Clean label » n’est toutefois pas sans conséquences sur la sécurité microbiologique. Il est avant tout nécessaire de valider leur efficacité au cours de la durée de vie microbiologique des produits.

L’appréciation quantitative des risques (AQR) est une approche qui vise à estimer par modélisation et simulation numérique le risque d’effet néfaste pour le consommateur suite à l’exposition à un danger microbien dans l’aliment. Elle prend en compte l’ensemble de la durée de vie du produit, de la fourche à la fourchette et permet de quantifier l’impact d’une contamination sur le risque consommateur. 

Aujourd’hui les agences sanitaires s’appuient de plus en plus sur les approches de modélisations AQE /AQR pour établir leurs avis scientifiques. Les professionnels et les pouvoirs publics sont quant à eux incités de toute part à inclure davantage la sécurité microbiologique, les apports nutritionnels et les impacts environnementaux dans leurs prises de décisions.

L’application des risques et bénéfices des denrées alimentaires est une discipline qui a vu le jour au début du 21e siècle et dont l’objet est d’évaluer les Risques et les Bénéfices de santé publique associés à l’alimentation. Il s’agit d’une approche intégrée de plus en plus plébiscitée par les législateurs Français, Européens et Internationaux, appliquée essentiellement dans le cadre de projets de recherche.  

 

Découvrez nos compétences en formulation alimentaire

Découvrez notre article : PANORAMA DES OUTILS VISANT À AMÉLIORER L’OFFRE ALIMENTAIRE 

Source : article de Catherine Denis sur la sécurité des aliments rédigé avec ses collègues du CTCPA, d’Aérial, de l’ADIV, tous membres du RMT ACTIA Qualima.